Svetlanov, le pianiste. Les premières années (1/3)

MEMOIRES (1/3)

Svetlanov, le pianiste. Les premières années
Par Nina Moznaïm Svetlanova

 Evgeny Svetlanov a poursuivi ses études à l’Ecole Gnessine dans la classe de Maria Alexandrovna Gurvitch, une élève de Nikolaï Medtner. Depuis la jeunesse de Svetlanov, elle inculqua en celui-ci un intérêt et un amour pour la musique de Medtner qu’il conserva pendant toute sa vie. Il était non seulement un fervent admirateur de la musique de Medtner, mais il se consacra également à faire partager cette ferveur par le peuple, ce qui était extrêmement difficile en Russie à cette époque.

En tant qu’émigré, Medtner, ainsi que d’autres compositeurs et écrivains éminents qui ont quitté le pays, était presque un hors-la-loi. Il était quasiment impossible de se procurer ses œuvres.

Mme Gurvich a instauré un culte de Medtner. Elle organisait régulièrement des concerts consacrés à la musique de Medtner. Après s’être attelé avec passion à l’objectif qu’il s’était fixé de jouer toutes les œuvres de Medtner dans une série de récitals, Svetlanov était devenu le personnage central de ces concerts. Il a joué toutes les sonates pour piano, toutes les œuvres courtes pour piano, ainsi que des extraits des trois concertos pour piano de Medtner et l’ensemble des œuvres vocales. L’interprétation des œuvres vocales par Svetlanov, aussi bien en tant que chanteur qu’interprète, était magnifique. Il a hérité une très belle voix de ses parents, tous deux chanteurs professionnels à l’opéra.

Par la suite Svetlanov devait composer deux sonates pour violon, trios sonates pour piano, trois nocturnes pour violon et piano, le quintette pour piano, ainsi que de nombreuses œuvres courtes pour piano seul.

Le jeu de Svetlanov dans les concertos de Medtner était exceptionnel, et traduisait même à ce jeune âge l’empreinte de sa personnalité. Ces concerts étaient caractérisés par l’intégrité de la forme, les longues phrases, sa sonorité particulière et sa façon unique d’approcher et de réaliser les pics dramatiques de la musique.

L’auditoire de ces concerts était constitué de personnes qui s’intéressaient réellement à la musique. J’ai également assisté à tous ces concerts. Je me souviens très bien d’y avoir vu Vera Kruglikova, l’une des tantes de Svetlanov.

Vera Petrovna Kruglikova, la sœur de sa mère, était une personne extrêmement cultivée, connaissant la littérature et la poésie. Elle maîtrisait couramment le français et assistait très régulièrement aux concerts. Elle aimait beaucoup Svetlanov et soutenait pleinement l’épanouissement musical de son neveu. Svetlanov vouait le plus grand respect et une profonde affection à Vera Petrovna, il sollicitait ses conseils et lui montra ses premières compositions. Il était très fier du fait qu’elle et sa mère étaient les nièces du célèbre critique musical et spécialiste de la littérature Kruglikov, qui joua un rôle important dans la vie culturelle de la Russie à la fin du XIXe siècle. Kruglikov étudia la théorie de la musique avec Rimski-Korsakov et ils restèrent amis toute leur vie.